Il pleuvait... [Yoshi']

Certains des mastodontes de bois avaient survécu à la tempête. Bien qu'en petit nombre, l'enchevêtrement de leurs branches suffisait à assombrir le soleil qui, pourtant, illuminait le ciel. Eryu dans sa profonde méditation contemplait l'immensité sylvestre de la forêt, ses pas caressant le sol il posait un regard triste sur les carcasses des titans d'écorce ayant été sévèrement frappé par la foudre. L'orage le fascinait, après tout le futur en présageait un nouveau. Bientôt le son de ses pas pouffant sur le sol molletonneux ne fut plus seul dans la mer de racine, un craquement indicible se fit entendre. La brisure de l'air sur un corps. Il le sentait, un être se mouvait, avec lenteur, lui aussi. Eryu prononça les mots fatidiques. Il fut bon que l'étranger fût pacifiste. Si ça avait été un ennemi, repérant ainsi sa position il se serait fait attaqué et aurait dû riposter alors qu'il avait en haine de se battre. Eryu était paisible, réservé et d'une grande mansuétude. La seule personne capable de lui faire perdre son calme était l'infâme faible à qui il devait obéir, mais plus pour longtemps, ce n'était encore une fois que patience et stratégie, et surtout méditation. Au long de sa vie, Eryu n'avait eu d'autre choix que de contrôler sa colère intérieur. Il avait ainsi obtenu une force incomparable, celle de contrôler la violence par l'oubli de soi. Il était âgé plus que ce que son corps le disait, plus que ce qu'il le disait.


Toujours est-il qu'un homme à l'accoutrement des moins discret se présenta vers Eryu. Encapé, totalement camouflé, il ne laissait que ténèbres en lieu et en place de son visage. Ces vêtements ne semblaient pas appropriés à un shinobi. Tout du moins Eryu n'en avait jamais vu déguisé ainsi, on eu dit un saltimbanque. Et pourtant, il se disait bel et bien ninja; pire, il prétendait être un déserteur. Quelle aubaine. Un vulgaire traître à sa patrie. Malgré ses aprioris Eryu ne voyait aucune raison de se méfier du shinobi face à lui. Un léger sourire s'esquissa sur le visage fatigué d'Eryu. En effet, il était épuisé. Et amusé. Depuis les années qu'il avait passé dans les montagnes, il en avait oublié que le monde l'avait justement oublié. Mais ce n'était pas plus mal, les choses avaient évolué.

« Eryu Masayaezakura. Je suis un déserteur du village des brumes »

Autrefois fois un des plus grands shinobis de Kiri, élu comme épéiste par ses pairs, il avait poignardé sa nation dans le dos alors que le poste de Mizukage lui était offert. Il avait fui, massacré, et tenté d'assassiner son propre Daimyo. Sans succès. L'adversaire était trop puissant, le complot n'avait pu échouer, et le criminel désigné fut naturellement Eryu.

« Depuis peu les Ninjas de Kusa se déplace. Certains ont même traversés les grandes frontières pour se diriger vers Iwa. Cette inconscience leur coutera la vie »

Dans un geste ample et lent, il retira son fourreau de sa ceinture, et s'appuya dessus comme d'une canne. De son autre main, il fit un geste amicale vers Yoshi tout en s'inclinant légèrement comme il lui avait été appris dans sa maison, une des famille noble de Kiri.

« Que fait un jeune enfant comme vous en ces lieux ? Ne devriez vous pas servir votre village ? »

Le chemin fut étonnement long, et pourtant ne s'éternisa au delà d'une petite heure. Il fallait croire que la déplacée curiosité d'Eryu avait fait tiquer son compagnon d'infortune. Le jeune homme tenait à son anonymat, à quoi bon. Les vrais ninjas peuvent sonder l'âme d'un être avec un simple contact.
Bien vite les deux shinobis à l'allure étrange pénétrèrent le petit village perdu au creux d'une vallée herbacée. Le soleil de ses rayons engloutissait le hameau dont les traditionnelles maisons étrangement peinturlurées émergeaient telles des récifs sur une mer de lumière. Cette métaphore particulièrement ridicule, assez pitoyable à dire vrai résonnait dans le crâne d'Eryu, se cognant aux parois osseuses comme l'oiseau abasourdi dans un pièce sans issue. Soupirant sans aucune grâce il regrettait sa sale habitude des monologues internes et son manque de poésie souligné par un prosaïsme ambiant dans chacune de ses paroles. Ainsi perdu dans ses pensées, Eryu se comportait comme l'artiste insatisfait de sa toile, lui l'était de ses propres mots, fomentés au sein de son cerveau malade. Ce fut le désagréable et couinant crissement de la porte de bois d'une auberge bien jolie qui, brutalement, extériorisa Eryu et lui permit de prendre conscience qu'il était déjà assis à la table la moins poussiéreuse d'une petite auberge aux boulettes de riz bien délicieuses. L'étrange shinobi, Yoshi, était toujours présent, tranquillement installé sur son tabouret de chaîne. Les autres tables, vides, nonobstant certainess où s'accoudaient d'étranges et peu joviaux individus. Intrigué par leur présence Eryu fit comme de rien et suivant l'instance de Yoshi qui l'invitait non seulement à se nourrir, mais à sa faim, de surcroît, se nourrit. Ainsi, sans se presser il se hâta, douce oxymore, de transpercer une innocente boulette pour la dévorer sans sommation. Eryu rigolait, d'un petit rire inaudible. Les douces pensées qui lui caressaient l'esprit depuis sa rencontre avec le petit Yoshi l'amusaient au plus haut point. Décidément, oui décidément son esprit était d'autant plus névrosé que ce qu'il...

« Quelque chose me gène tout de même »

Les paroles fusèrent de son esprit ébouillantant. Cela faisait quelques décennies qu'il voyageait au travers le monde, étudiant us et coutumes. Depuis peu, il l'avait constaté, les choses se mouvaient, l'atmosphère avait changée, elle était devenue pressante et électrique, pesante. Beaucoup d'évènements avaient lieu, l'intronisation du nouveau Mizukage, son étrange mission,...l'apparition d'un déserteur stupidement déguisé comme pour cacher son identité dans une zone très dangereuse, en effet Kusa était devenu instable suite à certaines tensions politiques; et il y avait eu les récents évènements de Konoha. Certes, c'était l'avènement d'un nouveau règne. Tout se mettait en place... La question lui mordant la langue il la susurra entre deux boulettes de riz gluant.

« Que fait une personne comme vous dans la région de Kusa, dites-moi ? Vous n'êtes pas ici sans raison »